Promenades dans la merde

et la lumière de ce monde

« Tu maintien les guerres qui te submergent
Et la vitesse te grise.
Pourvu que la catastrophe aie une belle ampleur »

L’espace d’un instant j’ai l’impression d’être fait de lumière.
La seconde d’après je replonge dans l’obscurité.

Je passe mes nuits et une partie de mes jours à jouer aux jeux vidéos
en trempant des pizzas surgelés dans du café froid.

Je me nourris essentiellement de tartes aux mégots
Et de chaussettes aux yaourt

Je m’ouvre régulièrement les veines
Pour voir comment c’est à l’intérieur

« Pour me sentir couler… » dis-je en souriant.

Lorsque la cave est pleine de sang
je fais le mort et je me laisse porter jusqu’au fleuve.

« Avec un peu de chance j’atteindrais la mer… »

Mais trop souvent je suis repêché
Pour pouvoir être disséqué par des étudiants en médecine.

Il arriva qu’une fois je fut découpé en morceau
Puis disposé sur une pizza avant d’être congelé.

Je me garde toujours deux doigts au chaud au fond de la gorge
Pour me faire vomir
J’affirme que c’est pour « garder l’envie ».

Je regarde comment mes semblables se rendent aux abattoirs
Je renifle l’odeur de notre agonie.

Notre agonie a nous est ritualisée depuis des milliers d’années :

D’abord on ne fait rien
Pendant un temps incroyablement long.
Après quoi, on marche dans le désert,
On est généralement complètement perdu.
On y croise souvent d’énormes tractopelles
En train de construire une route.
Ce genre de route est aussitôt remplie d’automobiles
Toutes très pressées d’atteindre la ville,
la dernière ville fraîchement bâtie au bout de la route.
On y mène une vie étrange et envoûtante :
On y produit et consomme frénétiquement
Des choses vides mais qui possèdent le mystérieux pouvoir
De stimuler la production et la consommation frénétique.
Pour gagner du temps
on mange sa propre merde
et on jouit sous cellophane.